Le Danemark préside depuis le 1er janvier l’Union européenne. Occasion de revisiter une invention danoise : la flexicurité.
Au cours des dernières années, on a beaucoup commenté la flexicurité danoise. L’intérêt s’est focalisé sur ce qui est maintenant connu sous le nom de « triangle d’or », notion qui englobe la facilité des entreprises à embaucher et à licencier, une compensation de revenu élevée en cas de chômage (compensation du revenu à hauteur de presque 85 % des salaires les moins élevés et pour une période maximale de quatre ans) et une politique active du marché du travail centrée sur la reconversion et la formation continue qui permet au chômeur de ne pas rester longtemps dans cette situation.
Ce système contribue à un niveau de mobilité très élevé sans que les salariés perdent leur certitude de revenu. La dynamique du « triangle d’or » joue sans doute un rôle important, mais elle ne peut être isolée des caractéristiques du marché du travail danois et du mode de régulation sociale dont le triangle fait partie. En dehors du système des négociations collectives et de dialogue entre les partenaires sociaux, cette dynamique ne se serait probablement jamais développée.
Flexibilités et sécurités
La flexicurité danoise ne se limite pas au traitement du chômage, mais englobe d’autres flexibilités et d’autres sécurités.
Deux relations sont particulièrement associées à la flexicurité : un recours facile aux licenciements et aux embauches) qui se combine à une indemnisation élevée en cas de chômage (sécurité de revenu) et à une politique active du marché du travail (sécurité de l’emploi) ; deuxièmement des horaires flexibles (flexibilité numérique interne) combinés à une sécurité d’emploi élevée.
Un compromis politique
Le « modèle danois de flexicurité » est le produit d’un compromis entre des forces sociale-démocrates (attachées à la protection sociale) et libérales (favorables à la flexibilité) qui se sont affrontées au sein de la société danoise. La flexicurité danoise se caractérise par la relation dynamique entre flexibilité externe, sécurité de revenu et politique active du marché du travail, le fameux « triangle d’or ». La régulation flexible du licenciement a pour résultat que la mobilité sur le marché du travail danois est parmi les plus élevées en Europe. Cet effet est renforcé par la troisième branche du triangle, la politique active du marché du travail centrée sur la reconversion et la formation, qui est décisive pour assurer un effectif suffisant de travailleurs flexibles. La main-d’œuvre est ainsi reconvertie dans une large mesure et transférée à d’autres secteurs au rythme des délocalisations notamment de la production industrielle.
Des flexibilités et des sécurités variées
L’attention de beaucoup d’employeurs et de gouvernements en Europe, uniquement tournée vers la gestion des licenciements
est probablement due au fait que la flexibilité externe constitue, à leurs yeux la garantie principale d’une compétitivité accrue et d’une meilleure adaptation aux marchés fluctuants, alors même
que cette forme de flexibilité est, dans nombre de pays, restreinte par les règles existantes. Dans les années 1980 et 1990, un débat assez tendu a eu lieu dans beaucoup de pays européens sur la
flexibilité du marché du travail et les syndicats se sont mobilisés quand les gouvernements ont essayé d’assouplir la régulation. Ce débat ne s’est pas produit au Danemark avec la même intensité.
On observe, dans le mouvement syndical danois, une acceptation générale d’une régulation relativement flexible, et des sondages montrent que tandis qu’une moyenne de 70 % des salariés dans les
pays de l’OCDE se sentent « très peu sûrs de leur emploi », seulement 44 % des salariés danois partagent cet avis.
Mais si le Danemark offre un accès facile aux licenciements, il est aussi parmi les pays européens qui ont le plus recours aux horaires flexibles et à une organisation du travail qui accorde aux
salariés la plus grande autonomie et qui tient compte aussi de leurs obligations familiales. A l’origine de la grande flexibilité du marché du travail danois ne se trouvent donc pas seulement la
facilité de licencier, mais aussi de multiples autres facteurs.
Pour comprendre comment cet équilibre apparemment efficace s’est développé et pourquoi les syndicats acceptent un niveau de flexibilité relativement élevé, il faut placer « le triangle
d’or » dans son contexte et s’intéresser notamment aux processus du dialogue social.
Un cadre de dialogue social positif
fondé sur :
- un système de conventions collectives avec des négociations décentralisées et des accords extensifs abordant une multitude de thèmes (au-delà des questions
classiques des salaires et du temps de travail) ouvre la voie à des accords flexibles et créatifs qui font de la relation flexibilité-sécurité non seulement un jeu à somme nulle, mais un jeu à
somme positive, dont les deux parties tirent avantage.
- un dialogue entre les acteurs sociaux qui sont particulièrement puissants tend vers le consensus et s’inscrit dans une relation de confiance favorable à l’équilibre entre
flexibilité et sécurité. On estime que la confiance crée la sécurité et que la sécurité amène la flexibilité : quand chaque partie sait que l’autre n’avancera pas de revendications exagérées ni
n’abusera d’un accord conclu, elle peut être plus ouverte aux demandes de l’adversaire.
Les règles du jeu sont inventées par les acteurs qui s’en servent et les respectent. Les règles du jeu françaises tiennent compte justement que les deux fondements du système danois ne trouvent pas de place dans notre pays.
article mis en ligne le 22/01/2012 dans « Clés du social »
http://clesdusocial.com/europe/eu02-droit-du-travail/danemark-flexibilite-securite-flexicurite.htm