Imaginé dès les années 80 dans un contexte de démarrage du chômage des cadres et de difficultés pour retrouver un emploi salarié, le portage salarial s’est développé depuis cette date, mais il n’avait pas, pendant longtemps, de statut juridique. Il fournit une solution à des demandeurs d’emploi, le plus souvent très qualifiés, souvent seniors, pour réaliser des missions, en se trouvant dans une situation intermédiaire entre le travail indépendant et le salariat, mais dans une grande insécurité juridique. Il représenterait entre 5 000 et 20 000 emplois temps plein : l’imprécision du chiffre selon les sources témoigne de la consolidation nécessaire de cette forme d’activité.
L’accord « modernisation du marché du travail » du 11 janvier 2008, repris par la loi du 25 juin 2008, a inscrit dans son article 19 l’objectif de « sécuriser le portage salarial » et a donné 2 ans à la branche de l’intérim (Prisme, syndicat patronal de l’intérim) pour négocier un accord dans ce sens avec les organisations syndicales de salariés.
L’accord de 2008 constitue une définition du portage salarial :
« Le portage salarial se caractérise par :
- une relation triangulaire entre une société de portage, une personne, le porté, et une entreprise cliente,
- la prospection des clients et la négociation de la prestation et de son prix par le porté,
- la fourniture des prestations par le porté à l'entreprise cliente,
- la conclusion d'un contrat de prestation de service entre le client et la société de portage,
- et la perception du prix de la prestation par la société de portage qui en reverse une partie au porté dans le cadre d'un contrat qualifié de contrat de travail ».
L’article L1251-64 du code du travail en a repris la définition comme « un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l'entreprise de portage ».
La négociation a duré plus de 18 mois pour en organiser la mise en œuvre. Les débats ont porté en particulier sur la définition du contrat liant le porté à la société de portage, les syndicats voulant un contrat de travail de salarié, les entreprises souhaitant se rapprocher du statut indépendant. Également très discutés la rémunération minimale conventionnelle et les types acceptés de sociétés de portage.
À partir d’une nouvelle mouture patronale en réponse au refus syndical des propositions jusque-là sur la table et reprenant les contre-propositions syndicales, l’accord a finalement pu être signé le 24 juin par la CFTC, la CFDT, la CFE-CGC, et dernièrement la CGT …mais avec un refus de FO qui n’avait pas participé aux contre-propositions et dénonce les risques d’un CDI aménagé au portage en raison de la responsabilité du porté pour la prospection et le niveau du salaire minimum.
L’accord limite l’usage du portage salarial aux tâches occasionnelles ou aux tâches ponctuelles sans présence de compétences en interne. Il le limite également aux cadres ; pendant deux ans de transition, il sera cependant ouvert aussi aux non cadres, notamment formateurs, avec un bilan au bout de cette période. Selon la durée de la mission et leur succession, le contrat de travail pourra soit être un CDD, jusqu’à 18 mois, soit un CDD à objet défini, pour une mission de 18 à 36 mois, soit un CDI ; les trois formules permettant l’accès ensuite à une allocation chômage, si nécessaire. Le salaire minimum mensuel brut sera de 2 900 € et 5 % d’apport de missions.
Le dernier compromis concerne les sociétés de portage. Il en existe déjà, mais le patronat voulait pouvoir y intégrer les agences d’intérim, alors que les deux formes d’activité sont différentes (dans l’intérim, l’intérimaire est subordonné dans l’entreprise où il travaille et ce n’est pas lui qui trouve la mission) ; les syndicats ne voulaient pas la confusion des deux. Au final, les entreprises d’intérim, si elles veulent développer cette activité, devront en faire une activité exclusive, dans une filiale, hors de leurs agences habituelles.
Les nouveautés contenues dans cet accord supposent une adaptation législative sur plusieurs points. Dans la mesure où cette forme d'activité répond à un besoin social en permettant le retour à l'emploi de certaines catégories de demandeurs d'emploi, notamment des seniors, espérons que cette transcription n’attendra pas.
Publié dans « Clés du social » du 5 août 2010
http://clesdusocial.com/mois-social/mois-social-10/02-droit-du-travail/portagesalarial.htm